Une de nos nuits les plus froide avec -7 au radar météo et -1 dans le camion avec vitres et pare-brise gelés intérieur et extérieur. On se dit qu’on est paré pour dormir dans le froid roumain à venir car on était bien au chaud sous nos couettes et on n’avait pas encore sorti la grosse artillerie de double polaire donc on est large.
Petit bémol : la cuve d’eau et les tuyaux ont gelés eux-aussi donc pas d’eau au robinet « Elo ! Regarde ! » Une stalactite s’est invité au bout du nez du robinet. Dehors le sol est recouvert d’une fine couche de blanc craquelant. Lola adore l’hiver et le froid. Elle ne demande qu’à sortir pour courir en tout sens, surtout que notre spot dodo devait être un repère de chasseurs et ils ont laissé deux peaux de sangliers au sol. Un peu glauque l’histoire et Lola adorerait se rouler dedans donc on la surveille tout de même : elle dort avec nous le soir donc une odeur de charogne serait malvenue. Le chauffage fait remonter doucement la température jusqu’à 10 : les tropiques en somme. Nous avions réfléchi où nous garer pour avoir le soleil au réveil et quelques minutes avant de partir, Robert se réchauffe un peu et il démarre, toussotant, au bout de la deuxième tentative : un warrior !
Nous terminons donc notre route jusqu’à la grotte « Diavolskoto geurlo ». Âgée d’environ 175 000 ans, la visite commence par un tunnel artificiel long de 150 mètres duquel on entend le grondement de la cascade souterraine (60m, la plus grande cascade d’eau des Balkans) au loin. Nous arrivons dans la grande salle, haute de 47m aménagée pour les visiteurs. Toute une série d’escaliers nous font évoluer le long des murs : de la mousse verte fluo se développe aux endroits où les lumières artificielles éclairent. « C’est fou comment la nature s’adapte aux variations. » On adore les endroits liés à une petite histoire ou un mythe et en l’occurrence, on a choisi celle-ci car une légende raconte que c’est par cette grotte qu’Orphée aurait descendu vers les enfers d’Hadès pour aller sauver sa bien-aimée Eurydice, d’ailleurs son nom signifie en bulgare « La Gorge du Diable ». Guillaume monte les marches devant moi en portant Lola parfois car c’est sacrément raide mais surtout ne se retourne pas, il faut que je sois sortie de la grotte avant qu’il puisse me jeter un regard sinon je finirais à tout jamais aux mains d’Hadès. Il a mieux fait qu’Orphée, je suis saine et sauve. Une grande énigme persiste au sujet de la rivière souterraine présente dans la grotte : elle pénètre par une entrée naturelle, passe par la grande salle que nous visitons et disparaît de nouveau souterre en siphon ; elle ne réapparaît qu’à 280m en source karstique. Une expérience a été menée en colorisant l’eau de la rivière. La peinture est réapparue, non pas dans les 7 minutes prévues, mais au bout de 2 heures. Les calculs définissent, que pour ce laps de temps, la rivière souterraine parcourt 27km avant de ressortir. Dans les années 70, une expédition de deux plongeurs a été constituée mais les deux malheureux ont péri sous l’eau ; une plaque commémore leur aventure et aucunes expéditions, à ce jour, n’a été concluante. Apparemment, pendant l’hiver, la grotte abrite l’une des plus importantes colonies de chauves-souris de Schreiber (46 000 à 60 000 individus) qui viennent se mettre au chaud (température permanente de 8° à l’intérieure) : petit flop, on n’en a pas vu une seule… En même temps, avec nos gros sabots et notre louloute, elles se ont bien gardées de faire du bruit. Nous sortons de là ragaillardi et on se chauffe pour aller voir un point de vue pas loin à pied qui monte dans la forêt. « On a le don pour s’habiller en mode eskimo et grimper fort au soleil. » La montée se fait le long d’une falaise où des stalactites menacent de tomber mais c’est tellement beau vu d’en-dessous. La vue n’est pas foufou mais ça nous a bien réchauffé et nous redescendons tranquillement, en évitant de se faire une cheville sur les plaques de glace dans l’herbe.
Nous roulons un peu avant de se poser au soleil pour manger le midi et faire une grosse vaisselle directement à la sortie d’un point d’eau car nos tuyaux n’ont toujours pas dégelés et la pompe ne tourne même plus : on espère que rien n’est cassé et que tout fonctionnera à nouveau en gagnant quelques degrés. Pendant ce temps, je m’atèle à peaufiner une mélodie au handpan : c’est dingue comment, en quelques notes, tout de suite à donne quelque chose de sympa à l’oreille.
Le reste de la journée se fera sur les routes de montagnes « une épingle par-ci, une épingle par-là » avec des paysages enneigés et un coucher-de-soleil très colorés « C’est la Bulgarie qui nous salue. – Viens, viens regarde comme je suis jolie, je sors mes plus beaux habits de lumière, dit-elle. On croit aux langages des nuages. » Nous arrivons dans la nuit sur la parking de notre merveilleux point de demain : des sources d’eau chaude naturelle. On en a bien besoin avec ces températures et surtout que la douche n’est plus trop dans nos options, sans eau pour le moment. « Ça sera toilette-de-chat pour tout le monde ! » Big up à Bernie qui se prélasse bien au chaud chez les Mélices. Une nouvelle moyennement réjouissante le concernant : Monsieur fait du diabète et il faut qu’il soit médicamenté. Heureusement que les filles sont de vrais anges, elles s’en sont aperçu et on fait le nécessaire pour le soigner. Un grand merci !
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