Cent vingtième jour de voyage et on se dit souvent que la vie peut être assez simple finalement. Que se sentir chez soi n’importe où et en même temps que rien ne nous appartient vraiment, nous donne un sentiment un peu de conquérant dans le sens où il suffit de choisir une direction et, juste, on y va. C’est un peu la même émotion qui nous traverse aussi quand on a l’impression que tout s’aligne naturellement : sur les routes en Robert, Lola qui dort tranquillement, une musique qu’on aime écouter et un paysage incroyable devant nos yeux dont on a tout le loisir de profiter. Plénitude. Calme. Juste là, ensemble à apprécier ce moment de perfection.
Ce matin, nous allons voir de plus prêt ces fameuses cloches du monastère de Nicula qui ne nous ont pas gêné car elles ont attendu tranquillement 9h pour se mettre en mouvement, donc on était réveillé et en mode petit-déjeuner avec du « cozona au pavot », une sorte de brioche traditionnelle roumaine. C’est intéressant de voir certaines personnes prier en dehors de l’église, sur le parvis alors pendant que les prêtres chantent et carillonnent au travers de hauts-parleurs. Ça nous rappelle un peu la Turquie et les muezzins mais en plus discret cette fois-ci.
Nous reprenons la route vers l’église gréco-catholique Saints Archanges, de Surdesti, classée au Patrimoine de l’UNESCO. C’est la plus haute église en bois d’époque du Monde ; rien que ça. Construite en 1721, en bois de chêne des montagnes, elle atteint une hauteur totale de 72 mètres. Les peintures murales de l’intérieur présentent des influences baroques et ont été exécutées directement sur le bois. Nous arrivons juste avant que la femme de l’accueil (qui débauche une petite heure avant la fermeture officielle) ne parte et c’est sous son regard patient que nous entrons dans le bâtiment. L’ambiance est chaleureuse car bons nombres de tapis jonchent le sol et des drapés brodés sont accrochés un peu partout aux murs : une vraie touche de couleurs et de fraîcheurs. Au centre du plafond, descend un chandelier en bois sans grande prétention. On se sent un peu comme dans une maison de montagne où on viendrait se réchauffer au coin du feu et manger une bonne soupe après une longue balade sous la neige. D’extérieur, l’église n’est pas gigantesque, juste extrêmement haute avec sa pointe et sa croix tutoyant le ciel bleu. Elle s’intègre parfaitement dans le paysage qui nous entoure, fait de maisons de ferme avec des chiens qui aboient au loin, de la neige partout et très peu de passage de voitures ou de personnes.
Nous continuons notre route pour aller encore plus haut dans la Roumanie, tout proche de la frontière Ukrainienne que nous ne traverserons pas mais dont nous longerons les limites le long du fleuve de séparation. Nous nous arrêtons plusieurs fois pour prendre quelques photos sur la route car de nombreuses maisons sont juste trop mignonnes avec leurs murs en carrelages-mosaïques colorés ou bien cette grange de bois dont on avait vu la réplique au village-musée de Bucarest ou encore cette belle porte de cimetière sculptée. « Regarde, ici aussi, ils font sécher leur foin en motte. » Comme dans les Aristochats pour les connaisseurs de la scène en sidecar. Nous sommes conquis par ce paysage à la fois brut de la campagne et tendre de cette couche de neige enveloppante. Nous sentons que nous n’aurons pas toutes les clés de compréhension et que la vie en été en Roumanie doit être bien différente, avec tout une partie fêtes traditionnelles et costumes, travail dans les champs et vie de village en journée que nous ne verrons pas. Il fallait bien faire des choix et l’hiver doit bien se faire quelque part. Peut-être aurons-nous le loisir de revenir une autre fois, qui sait. En tout cas, malgré la fraîcheur, c’est un pays en douceur pour nous.
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