Varsovie

Certes le parking choisi est bien fréquenté tout le temps par du monde, ce qui sera bien pour éviter l’isolement de Robert et de Lola demain, mais qui dit fréquenté, dit en pleine nuit de la musique comme pas possible. A 3h du matin, « j’ai eu besoin de quelques minutes pour me réveiller, on m’attaque dans mon rêve, on est où, le camion est dans quel sens… » (Guillaume), une voiture se gare juste à la place à côté de nous et ouvre les portières pour laisser résonner une musique polonaise à fond qui ambiance vite tous les occupants du véhicule qui rigolent et jouent au ballon, qui parfois rebondit sur Robert. Pas des plus calme quoi.

Le réveil de 7h du matin sera repoussé à 8h pour dormir encore un peu. Après un bon petit-déjeuner et une balade de notre louloute, on file à l’arrêt de bus tout proche pour nous rendre dans le centre historique de Varsovie. Le billet est à 80 centimes, on ne peut pas faire moins cher, c’est dingue ! En moins de 10 minutes, nous nous retrouvons tout proche de la « Vieille Ville ». Nous tombons sur une grande statue de Marie Curie, personnage au combien important dont nous visiterons le musée un peu plus tard dans la journée. Au détour d’une rue, nous remarquons une grande bande en bronze, illustrant la zone de l’ancien ghetto juif datant de la Seconde Guerre Mondiale. Pour l’Histoire, le 16 Novembre 1940, sur ordre allemand, les autorités polonaises coupèrent le ghetto du reste de la ville, la zone fut entourée de hauts murs, isolant des centaines de milliers de juifs dont bon nombre sont morts de faim et de maladie. Une première bribe de cette Histoire terrible de Varsovie dont nous aurons un plus grand aperçu pendant notre visite guidée de l’après-midi.

Nous nous dirigeons vers la porte de Barbacan, qui représente l’entrée de la Vieille Ville. Déjà beaucoup de touristes sont là. La Vieille Ville est une genre de ville-musée totalement reconstruite post-guerre comme figé dans le temps. Partout de la briquette rouge neuve. Nous longeons les remparts pour rejoindre la statue du Petit Insurgé. C’est une statue de bronze commémorant la participation d’enfants soldats à l’insurrection de Varsovie. Elle représente un jeune garçon, portant un casque trop grand pour lui et un pistolet mitrailleur allemand, tous deux capturés à l’ennemi. On raconte que l’artiste s’est inspiré d’un jeune combattant, nommé « Antek », mort tout près de la vieille ville en Août 1944 à l’âge de 13 ans. Ça met un coup déjà.

Dans le sentier des remparts, nous découvrons une mini-exposition retraçant la vie de Marie Curie, nous donnant un bon avant-goût du musée que nous irons voir sous peu.

Midi pile. On ne badine pas et on se trouve un restaurant juste à l’entrée de la Vieille Ville : le Zapiecek, avec une table en terrasse au soleil. On se fait plaisir, surtout que c’est Maman Claudine qui régale comme cadeau à son fiston donc c’est « pierogis » champignons, lentilles, fromages, sauce cranberries et soupe de betteraves épicée pour moi et une pinte de bière, des roulés fris champignons fromage pour Guillaume. Il ne nous en fallait pas plus, on est bien calé, même un peu trop « ils sont où les légumes ? Y en avait aucun sur la carte… »

Pour digérer, quoi de mieux qu’un musée. On file prendre nos tickets pour le Musée de Marie Curie, 3€ l’entrée avec un audio guide en français : c’est royal ! Nous déambulons une grosse heure à travers trois salles très bien expliquées et remplies d’objets de sciences et de photos d’époque, nous donnant une vision complète de la vie et du travail de cette incroyable femme, Marie Sklodowska-Curie. C’est la découvreuse de deux éléments de chimie : le polonium et la radium. Elle a remporté deux prix Nobel. Ses recherches et ses découvertes ont donné naissance à la chimie des éléments radioactifs, à la physique et la chimie du nucléaire ainsi qu’à une branche de la médecine : la radiothérapie, qui est devenue le fondement de l’oncologie moderne dans le traitement du cancer. Marie Sklodowska-Curie est une scientifique de tous les temps et la femme polonaise la plus célèbre au monde.

On sort de la visite bien content de nous et on retourne visiter cette fameuse Vieille Ville, pas si vieille. Elle est classée UNESCO et pour cause, elle fut reconstruite en totalité et à l’identique après la Seconde Guerre Mondiale sur la base de tableaux du XVIIIè siècle. C’est une vraie carte postale, un retour dans le temps avec ses rues pavées et ses jolies maisons colorées. Nous longeons la rue principale très animée et touristique avec pleins de boutiques souvenirs, de restaurants et de cafés, et rejoignons la belle place Rynek dont trône en son centre une grande statue-fontaine de sirène. Cette sirène est un symbole fort pour la Pologne. Elle représente fierté et combativité du pays. Sa présence remonte au temps des ducs où le symbole du dragon, signe de pouvoir était représenté sur les écussons ; au fil des années, la transformation du dragon vers la sirène eut lieu, pour, peut-être, se différencier de Cracovie, ancienne capitale polonaise. Nous prenons un moment pour écouter des saltimbanques joués de l’orgue de barbarie et chanter des chants traditionnels polonais, en costume d’époque. Une véritable photographie d’un autre temps.

Nous continuons notre chemin et allons voir rapidement une église jésuite dont la gigantesque porte sculptées de bustes d’hommes nous a intrigué, ainsi que le grand mur derrière la croix de Jésus, recouvert par des centaines de colliers colorés. On n’a pas compris le pourquoi du comment.

Nous entrons ensuite dans la Cathédrale de Varsovie, lieu marqué durement par le sang durant la Seconde Guerre Mondiale (globalement comme toute la ville, en fait…) Pendant l’insurrection de Varsovie, la crypte de l’église servit d’hôpital de campagne et de refuge de bon nombre d’habitants polonais pendant les bombardements aériens allemands. A la mi-août 1944, l’église fut détruite, faisant près d’un millier de morts. L’hôpital continua de fonctionner dans les ruines jusqu’à la prise par les allemands le 2 Septembre. Les soldats allemands ont d’abord exécuté tout le personnel médical, puis ont démoli la crypte et son hôpital ; environ 500 personnes ont été ensevelies sous les décombres. Après la guerre, il a été impossible d’exhumer les restes de toutes les victimes. Les morts restent enfouis sous le sol de l’église : comment ne pas y penser quand nous foulons les dalles du sol et que nous voyons des dizaines de plaques commémoratives et de tombeaux sur les murs.

Sur l’un d’entre eux, nous voyons plusieurs versions d’un symbole que nous voyons très très souvent sur les murs de la ville, parfois peint, tagué ou sculpté. C’est la « kotwica » (en polonais, « ancre »). Elle était l’emblème de l’État polonais clandestin pendant la Seconde Guerre Mondiale et fut utilisée comme signe de résistance anti-nazi et anti-communiste au cours de l’Histoire. Elle a été crée en 1942 comme emblème facilement utilisable dans la lutte polonaise pour regagner l’indépendance du pays. La signification première des initiales « PW » était « Pomscimy Wawer » (« nous vengerons Wawer »), le drame de Wawer étant l’un des premiers massacres à grande échelle par les nazis sur des civiles polonais. Les initiales P et W évoluèrent en « kotwica » (« ancre »), une combinaison des deux lettres rapides à reproduire. Elle pouvait prendre plusieurs sens : « Polska Walczaca » (« Pologne combattante ») ou encore « Powstanie Warszawskie » (« Insurrection de Varsovie »), symbole donc patriotique et de défi contre les occupants.

Que d’Histoire ! Il nous faut bien une pause. On s’assoie donc au soleil, tranquille sur un muret, sur la place Zamkowy devant la grande colonne Sigismond III, qui fut le roi qui déplaça la capitale de Cracovie vers Varsovie, pour une question de stratégie militaire et de commerce.

15h et on aperçoit le fameux parapluie orange, repère de la guide pour ce Free Tour. Magda, cette polonaise passionnée d’Histoire et au débit de paroles digne des meilleurs battles de rap, va nous faire découvrir le Varsovie d’après Guerre qui se trouve devant nos yeux. Son anglais très fluide et sans trop fort accent, est bien compréhensible pour nos oreilles. On se réjouit de pouvoir tout comprendre sans trop devoir forcer. Nous commençons par une introduction globale à la naissance de cette nouvelle capitale de Pologne devant le Château Royal, reconstruit, lui aussi, en totalité dans les années 50. Nous sommes content de voir que le circuit choisi ne retourne pas vers la Vieille Ville et va nous faire découvrir l’autre facette de la ville, un peu moins touristique.

Nous marchons le long de la rue royale où Magda nous donne de-ci de-là des anecdotes sur des statues et des histoires de guerre. Nous faisons une halte devant le Palais Royal, un des seuls bâtiment intact de la guerre car un haut lieu des rassemblements allemands et c’est également dans ce bâtiment que fut votée et signée « autour d’une table ronde » l’indépendance de la Pologne.

Comme nous en avons déjà eu quelques bribes au cours de nos lectures sur la Pologne, la guide nous raconte les atrocités perpétrées par les allemands pendant la Seconde Guerre Mondiale. Varsovie fut détruite à plus de 84 %, sur ordres d’Hitler, faisant des milliers de morts. La ville a été reconstruite en totalité d’après, entre autre, des tableaux du peintre Canaletto, datant du XVIIIè siècle. En effet, ils ont du chercher un peu partout, dans d’autres pays, des archives représentant Varsovie de l’ancien temps car tout avait été brûlé. 16 000 000 d’ouvrages de la Bibliothèque Nationale sont partis en fumée dans l’objectif d’annihiler à jamais la culture polonaise. Le rendu est saisissant quand on a en face de soi une reproduction d’une peinture et les rues actuelles : c’est un peu comme une table d’orientation des années 1700-1800.

Bien sur, Magda nous parle de grandes figures polonaises telle que Marie Curie, Chopin ou encore Kopernic, connus mondialement. Anecdote rigolote : dans l’église Sainte-Croix de Varsovie se trouve le cœur de Chopin, restitué par la France aux polonais, dernière volonté du compositeur. A l’époque, pour conserver l’organe, ce dernier fut plongé dans du cognac et après plusieurs tests, il n’a jamais été question de changer de liquide de conservation, le cognac faisant très bien son office.

Nous nous retrouvons également aux pieds d’une grande statue représentant Kopernic où nous redécouvrons sa théorie avant-gardiste pour l’époque : il a arrêté le Soleil et fait tourner la Terre. Sous nos pieds, une représentation du système solaire d’époque où nous pouvons voir qu’il manque encore quelques planètes, non découvertes.

Encore un peu d’Histoire et de massacres sanglants : nous nous trouvons devant un mémorial de l’Insurrection de Varsovie de 1944 où Hitler, en représailles des résistances, a ordonné la destruction totale de la ville comme exemple. Un peu plus loin, nous faisons une pause sur des bancs et la guide prend de longues minutes pour nous raconter les événements passés dans l’ancien ghetto juifs, dont le bâtiment en brique rouge devant nos yeux est le seul survivant de l’insurrection de mai 1943 où les juifs se sont rebellés et ont voulu « mourir avec honneur » en combattant et non en se soumettant. En réponse de cette rébellion, le ghetto fut détruit en totalité. Chaque immeuble, chaque mur, chaque trottoir fut explosé, écrasé, rasé, centimètre par centimètre, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus rien. 300 hectares de ruines. 30 % de la population de Varsovie était juive et se sont plus de 450 000 individus qui furent parqués dans ce ghetto pour finalement être déportés et tués notamment dans le camp de concentration de Treblinka. Horreur et cruauté.

Après plus de 2h30 de visite, nous terminons notre Free Tour sur la place du Palais de la culture de Varsovie où se trouve un bâtiment très controversé. Comment le rater ? C’est un gigantesque immeuble au style soviétique grandiloquent, cadeau de Staline… Enfin un cadeau qu’il ne fallait pas refuser. Pour les polonais qui ont vécu à cette sombre époque soviétique, c’est un souvenir douloureux et ce bâtiment est comme une plaie qu’on viendrait rouvrir à chaque fois. De plus, l’entretien de ce monument immense est très coûteux et on voit bien qu’il a clairement perdu de sa superbe et la pollution a teinté ses murs auparavant blancs lumineux en gris triste.

Quelle visite ! Ce fut l’une de nos meilleurs guides et ces anecdotes nous ont vraiment bien plu. On ressort de là avec une véritable vision de Varsovie et de son Histoire tragique.

Comme toujours après une capitale, on est lessivé et on prend le métro (Guillaume adore voir au moins une fois les métros des villes) pour rejoindre notre bon Robert et Lola qui nous surveille depuis la fenêtre du passager. Explosion de joie et queue qui se tortille en tout sens, on va se faire une dernière balade le long du Vistule avant de rouler une trentaine de minutes pour sortir de cette ville et nous poser dans un coin plus tranquille en forêt. Demain journée « off » pour récupérer et se mettre à jour des devoirs, comme à chaque fois. Une soupe aux champignons et 20h30 tout le monde au lit !

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