Le réveil de ce matin au cercle polaire se fait doucement, on a bien dormi malgré tous les camping-car autour qui partent souvent tôt dans la matinée. De toute façon, c’est une journée route de prévue donc on prend notre temps : cuisson d’un pain maison et petit-déjeuner en regardant le voisin d’à-côté batailler avec sa parabole. On se fait une petite balade dans les alentours pour aller voir un autre monument représentatif du passage du cercle polaire. On y laisse une « pierre voyageuse » allemande qu’on avait trouvé en République Tchèque : elle en a fait du chemin depuis le temps dans Robert. Bon vent joli message d’amour. C’est un endroit plutôt paisible malgré le trafic routier mais c’est surtout un repère de moustiques « remarque, ici, ils ont leur réserve de nourriture : Norvège, frigo du monde. »
On entame donc notre route vers la côte ouest de la Norvège et plus précisément la ville de Bodø où on veut prendre le ferry pour rejoindre les tant attendues îles de Lofoten. La route est très agréable à conduire, même si parfois il faut serrer fort des fesses et prier pour que les rétroviseurs des camping-cars n’arrachent pas tout notre Robert chéri. « On voit hyper loin ». La route sillonne des vallées, des grandes forêt de sapins, des montagnes à pic, des marécages. On se pose sur une grande aire-de-pique-nique pour manger. Le temps passe à une vitesse folle et il est déjà 16h quand on sort de notre discussion sur les résultats des élections de l’Assemblée Nationale française et sur les dérives des violences policières, de la place des manifestations dans notre société, de notre envie de nous engager dans une association à valeur écologique à notre retour « j’aimerai trop dormir dans les arbres comme pour l’autoroute 69 », Guillaume se voit déjà harnaché, ligoté pour sauver la nature. Agir pour lutter contre l’impuissance et la rumination.
Juste avant Bodø, on se fait un stop pour aller voir le Saltstraumen, un des plus puissants courant de marée au Monde, pouvant atteindre une vitesse de vingt-deux nœuds, soit 40km/h et créer des tourbillons de dix mètres de diamètre et cinq mètres de profondeur. Ce site est considéré comme le possible maelstrom norvégien « le trou noir de l’océan ». Bon, nous quand on y est passé, la mer était entrain de monter donc pas des vagues de folie mais on pouvait voir qu’il y avait un sacré courant et des remous très spéciaux. On a même vu des mouettes faire la ronde sur l’eau en se laissant porter. Guillaume a pu essayer de prendre en photo des sternes, son oiseau fard du voyage. Sur place, le parking était bien peuplé, ce qu’il nous donne une première idée de ce qui va nous attendre sur les Lofoten : on appréhende un peu tout ce monde et cette possible sensation « d’autoroute des vacances » sur les randonnées et les lieux très touristiques, chose qui pourrait clairement nous faire quitter plus vite que prévu l’île si ça devient trop oppressant et contraignant pour trouver à se garer le soir et si il faut faire la queue-leu-leu sans arrêt pour visiter quelque chose. Pas de suppositions, on verra une fois sur place mais on essaie de préparer nos cerveaux à cette éventualité car pour le moment, on était à 98 % seuls au monde, chose que nous cherchons aussi dans la quiétude du voyage.
On s’arrête sur la route pour remplir le frigo et les placards. « C’est dingue, en Norvège, on ne se pose pas du tout la question de trouver un café ou une brasserie pour prendre un verre ou bien un restaurant ou du moins de la street food… L’idée c’est déjà de manger sans se ruiner avec les aliments de base. » On tourne vite en rond avec ce manque de légumes et de fruits frais mais on essaie de varier autant que possible sur les légumineux et les conserves qui sont encore abordables. Vivement la Finlande tout de même pour retrouver des prix à la hauteur de notre budget et enfin des salades composées digne de ce nom.
Nous arrivons au port, sur le parking où nous allons attendre pour prendre le ferry. On se la joue à la chance, on va dire, sans réservation et en espérant payer avec l’Autopass pour avoir la réduction de 50 % sur le trajet ; sinon il faudra aligner 80€ possiblement ou bien faire demi-tour pour passer par la route, bien au nord. J’essaie de me renseigner auprès d’un touriste sur la marche à suivre mais il est exactement dans la même configuration donc on se sent moins seuls déjà, puis je toque à la fenêtre d’une voiture norvégienne pour leur poser les mêmes questions. D’après eux, normalement, ça devrait le faire donc on croise les doigts. Petit hic : ils m’annoncent que le ferry suivant est à 3h15 et non pas à 22h30. Tant pis « we have time so it’s not a problem. » Et c’est parti pour une courte nuit à touche touche avec des dizaines d’autres camping-car qui vont dans la même direction que nous. « Et dire que tout ça va arriver la même minute sur l’île et chercher les mêmes spots pour dormir…popopop… »
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