Inari – Musée Sami

Nuit de rattrapage pour Guillaume qui a fortement du mal à ouvrir les yeux ce matin. Le soleil étouffant n’aide pas à désankyloser nos corps moites. Premier jour en Finlande et on commence doucement par rien faire de spécial ce matin, juste une petite balade autour du Parlement Sami de Finlande, malheureusement fermé les samedis pour assez vite revenir à notre Robert qui cuit.

On se déplace d’un petit kilomètre pour aller nous garer sur le parking du Musée SIIDA que nous visiterons en tout début d’après-midi. Du coup, on a une petite heure à tuer avant de manger et je zone un moment sur la téléphone à la recherche d’un festival à faire en Finlande ; tout est assez cher et puis on se dit qu’on se réservera nos créneaux en France pour faire la tournée des festivals d’été qu’on aime tant. Guillaume sort son ukulélé pour finir de bien maîtriser les quelques morceaux appris et bientôt nous offrir une nouvelle chanson qui nous évitera d’avoir en permanence en tête Cabrel ou Henri Salvador.

Grignotage sur le pouce de houmous et coleslaw avant de partir à la découverte du peuple Sami si coloré. On ne savait pas véritablement à quoi s’attendre de ce musée et on n’a pas du tout été déçu et pour preuve, on y est resté 4 heures jusqu’à la fermeture du site.

Nous en apprenons plus donc sur ce peuple autochtone dont l’Histoire n’a pas été tendre avec eux. Nous commençons par observer de près des costumes traditionnels samis étant confectionnés par les femmes des familles tant pour la vie de tous les jours que pour des célébrations. Ce qui frappe tout de suite, c’est le détail et la complexité des associations de rubans et de motifs avec à chaque fois un respect de certaines règles de confection. Pour les Samis, la survie et l’adaptation ont toujours dépendu du vêtement : contre la neige et le froid l’hiver, contre le froid et la pluie l’automne et contre la chaleur et les moustiques en été ; tout en permettant également de conserver leur identité sami. Nous contemplons donc dans les vitrines des foulards de soie, des bottes de fourrure de renne avec leur lacets enroulés autour, des chapeaux ou « šavka » et bien sur les fabuleux costumes et robes au bleu royal surmontés de rubans rouge et à motifs très fournis. Il faut savoir que chez les Samis éleveurs de rennes, les compétences artisanales de l’épouse se sont toujours manifestées dans les vêtements portés par son mari. On est déjà ébloui par toutes ces couleurs.

Salle suivante, on est plus sur la partie « Les Samis dans le temps » qui nous retrace leur apparition à l’âge de pierre, de fer, de bronze jusqu’à aujourd’hui. Malheureusement, à mesure que le christianisme se répandait, l’église commença à détruire tous les signes de l’ancienne religion, tels que les sites sacrés et les tambours chamaniques. Autre fait important à connaître concernant les Samis, c’est qu’ils évoluaient sur un territoire très étendu, étant un peuple nomade et que les frontières étatiques sont très récentes sur le plan historique par rapport à leur histoire. Elles ont provoqué une crise du mode de vie de ses éleveurs de rennes en coupant les routes de migration traditionnelles utilisées depuis des siècles. Les éleveurs devaient choisir la nation dans laquelle ils souhaitaient vivre dorénavant, sans en avoir étaient informés avant ni avoir pu négocier même si ce nouveau régime était totalement incompatible avec leur vie nomade. Quelle brutalité.

Nous découvrons ensuite une pièce plus contemporaine où nous écoutons des chants samis sur fond d’effets visuels très sympas. « Si y a le CD à la boutique, on l’achète ! » Un point important de cette histoire et qui me touche particulièrement car il peut faire écho à mon travail et à la préservation de l’occitan ; c’est la place de la langue dans tout ça ou plus précisément son oubli. Depuis des siècles, voire des millénaires, la langue sami reflète la vie des personnes vivant au plus près de la nature et porte les expériences et les connaissances des générations qui ont utilisé ces mêmes terres. « Les mots sont des veines qui se brisent si on ne s’en soucie pas » (Paulus Utsi). Lorsqu’une langue renaît, des mots, des sons, des émotions, des images et des paysages entiers sont récupérés. La langue est la clé de la mémorisation, encore plus pour des peuples dont la transmission était avant tout orale.

On vaque de vitrines en vitrines en traduisant les panneaux qui nous intéressent pour ne pas en perdre une miette, donc quasiment tout le musée est y repensant. C’est tellement intéressant de se fondre dans cette culture devant vivre avec les éléments extrêmes de la nature avec une simplicité et une rudesse. Nous enchaînons par la grande salle très bien faite où on nous plonge dans les différentes évolutions des paysages en fonction des saisons et de la faune et flore visibles. Comme des enfants, nous nous baissons au plus près des vitres pour regarder le moindre détail.

Encore d’autres vitrines de costumes, accessoires et outils de travail samis à décortiquer. On en apprend toujours plus et notamment la place de la Seconde Guerre Mondiale dans le déclin de cette belle culture nomade. Pendant cette guerre, les Samis ont servi dans les armées de trois nations : Finlande, Norvège et Union soviétique. Lorsque que la guerre éclata, la population sami fut évacuée vers le centre de la Finlande et le nord de la Suède étant devenus des réfugiés, ne parlant pas très bien le finnois. La région sami a été complètement dévastée, notamment le long des routes et des voies navigables. Sous la pression de l’armée finlandaise, les troupes allemandes nazies se retirèrent à travers la Laponie jusqu’à Tromsø, en Norvège. Recourant à la politique de la « terre brûlée », ils détruisirent tout, dans le but de ne rien laisse derrière eux qui puissent servir à l’ennemi. Quelle cruauté !

Après la Seconde Guerre Mondiale, la mémoire du peuple sami a changé du fait de leur reconstruction progressive en étant influencé par la culture du pays dans lequel ils s’ancraient à nouveau. Les enfants se retrouvaient dorénavant dans un environnement linguistique étranger avec la langue finnoise et les idéaux finlandais, où rien ne leur rappelait leur origine. Les enfants grandissaient souvent en ayant honte de leur origine et de leur langue. Cependant, l’école a donné aux enfants samis de meilleurs capacités pour influencer la société finlandaise et à partir des années 60, la génération instruite des Samis a commencé à revendiquer le droit à leur langue et à l’autodétermination. Le Sami du Nord a recommencé à prospérer dans les années 80 et le Skolt Sami dans les années 2000, alors que de nombreux rapatriés voulaient apprendre la langue de leur grands-parents.

Ils avaient appris à avoir honte de leurs origines, mais maintenant ils voulaient montrer qu’ils en faisaient partie ; aujourd’hui, les enfants apprennent à leur parents à se souvenir. Quelle belle leçon de vie.

Déjà 3h30 qu’on vaque à droite, à gauche et il nous reste encore toute la partie extérieure que nous faisons avec plus de légèreté car on veut se laisser un temps pour passer à la boutique souvenir. Nous retrouvons certaines maisons faites de bois et ensevelies sous terre comme on avait pu voir en Norvège et nous découvrons également tous un tas de construction de pièges pour attraper, si ce n’est écrabouiller, tous un tas d’animaux sauvages (ours, hermine, renard). Quelle ingéniosité.

Allez vite, 15 minutes avant la fermeture nous zonons dans les babioles souvenir où on dégotera une belle paire de boucle d’oreille en poil de rennes pour Céline, la belle-sœur. Typique.

Avec tout ça, il est 18h passée quand on retrouve notre Lola à la langue qui pend sur le siège du camion. Une petite balade rafraîchissante pour Madame, écourtée par les salves de moustiques qui commencent à nous attaquer et nous retournons nous poser sur le parking d’hier pour y passer à nouveau une nuit plutôt calme et surtout sans moustiques : c’est décidé, on fera surtout des villes en Laponie pour éviter les nuisibles suceurs-de-sang. Une bien belle journée riche en connaissances : ça fait du bien de faire aussi autre chose que nature-nature et de découvrir plus en détail une culture, chose qui a été moins évidente à faire en Norvège vu les prix. Tant pis.

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