Obinitsa

Aujourd’hui, 333è jour, réveil matinal à 7h30 : une journée en peu chargée nous attend.

Un thé pris et Guillaume organise la mécanique de Robert pendant que je file poser la nappe de pique-nique et me fais quelques étirements du dos qui commence à souffrir d’un manque notable de souplesse ces derniers temps. 20 minutes plus tard, je retrouve mon mécanicien, tête sous le camion et bouchon d’huile dans les mains « pour le moment tout se passe nickel ! » Changement du filtre à gasoil, remplissage progressif avec la nouvelle huile du moteur et changement du filtre à huile : Guillaume avait tout prévu « en prenant son temps, on fait les choses biens. » Pas une goutte au sol ni sur les vêtements, il commence à avoir de la bouteille quand il est question de vidange.

Une grosse heure plus tard et un Guillaume pas peu fier d’avoir réussi tout seul son affaire, on quitte ce petit coin de calme en bord de lac pour retourner voir la fameuse église d’Otepää, celle ratée hier. Les portes sont grandes ouvertes : parfait. On entre donc à l’intérieur et allons admirer toute la structure et les ornements en bois. Très jolie. On comprend pourquoi les mariés voulaient faire leur union ici, c’est photogénique à souhait. Chose assez rare, l’accès à l’étage est libre donc on s’empresse de monter la mezzanine pour avoir une vue depuis les cieux sur les bancs. Nous tombons au meilleur moment de la journée où le soleil éclaire les vitraux qui illuminent certains coins de l’église avec des couleurs bien flashis. Vu qu’on est tout seul sur place, on en profite pour essayer de faire des photos artistiques avec les lumières sur nos visages.

Allez, on ne s’éternise pas trop longtemps, notre Lola entame une petite cuisson dans le camion donc on reprend vite la route, ventilation (et non climatisation!) à fond pour faire circuler l’air. Après une pause de midi en bord de lac, nous allons nous garer sur le parking officiel du site pour aller voir le musée Obinitsa. Malgré le prix d’entrée un peu cher pour cette fin de mois qui commence à bien être hors budget, au vue des deux capitales enchaînées sur la même quinzaine, nous avons vraiment envie de découvrir ce pan de l’Histoire d’Estonie et plus précisément de la région Setomaa. Friand de traditions et de costumes, nous entrons donc dans ce petit musée où une femme nous accueille tout sourire avec un anglais très limité mais nous arrivons tout à fait à échanger quelques mots. Et c’est parti pour une petite heure et demi à regarder un film, à lire tout un tas de panneaux sur l’histoire, les pratiques et l’évolution des Setos, de leur langue et de leur chant, le « seto leelo », pratiqué uniquement par les femmes. Toute cette culture est très intéressante et fait directement écho aux Samis vu en Finlande ou encore même aux Occitans et à l’oppression faite sur ces langues minoritaires. Le Seto, c’est avant-tout des femmes, qui n’ayant pas eu l’occasion de s’exprimer dans les foyers, le faisaient au travers du chant qui retraçait tout les instants de leur vie : mariage, naissance, funérailles mais aussi cueillir les baies, faire la lessive, bercer son enfant… L’enregistrement des chants à la fin du XIXè siècle a sauvé la tradition orale de l’extinction et donne du pouvoir à la communauté Seto, toujours présente aujourd’hui sur le territoire. Le chant bien spécifique « seto leelo », surtout polyphonique, est pratiqué spécifiquement par et pour les femmes « Dieu m’a donné une bouche / A écrit la langue. / Une bouche avec qui chanter, / Une langue à tordre./ Aucun forgeron n’a forgé mes paroles. / Aucun broyeur n’a broyé les airs. / J’ai appris les paroles à la maison, les airs dans ma ferme. / J’ai perlé les chansons sur un fil, / J’ai mis les paroles dans une passoire. / Je tiens les paroles dans le tamis sur mes genoux, / Je porte les chansons sur le fil autour de mon cou. » (Irina Lepistik 1927). Ce qui est très spécial dans ce chant, c’est la part très importante à l’improvisation et la poésie, qui est une grande marque de reconnaissance pour les chanteuses.

Très riche en informations, nous prenons aussi le temps de regarder en détail les beaux costumes traditionnels brodés, les ceintures tissées et autres accessoires colorés « regarde, en fait les femmes accrochent de fausses dresses sur leur tête pour ensuite les recouvrir d’un grand bandeau, ce qui donne la forme bizarre à leur coiffure. » A l’étage, tout un panel de broderies et de fleurs tissées à la main sont exposées. Je reste un moment à analyser ce travail remarquable de précision et de patience.

Nous quittons les lieux pour aller cuire un peu sous ce soleil en faisant un tour du village dans lequel nous pouvons voir des maisons typiques et une statue en hommage aux femmes setos.

Une dernière photo de Danièl en tenue traditionnelle devant le drapeau officiel qui reprend une forme de broderie colorée et on file trouver un peu d’ombre ou du moins un peu d’air du côté d’un observatoire atypique : le Pesapuu, dans la ville de Rõuge. On ne peut pas le louper, il est haut de 27m et possède deux plates formes en forme de nid d’oiseaux. Trop mignon. Mais avant tout, on fait le tour du village en bois pour aller chercher dans « la cuisine d’été sous le banc en rondins du milieu » le message laissé par nos copains, Sam et Lou, qui sont passés ici il y a quelques jours et nous donnant des défis à réaliser. On est hyper fan de la démarche et on s’amuse comme des enfants en chasse aux trésors. Nous ferons donc une photo sous le panneau du pont aux oiseaux (n°1), des allers-retours sur la balançoire « kiiking » sur place (n°2) et surtout, une mini-chanson au ukulélé et voix au centre de l’arène (n°3). Mission remplie, on attend nos prochaines instructions dans le prochain pays peut-être.

Nous terminons notre visite en grimpant les 25 mètres d’escalier en fer, note louloute devra attendre en bas car elle déteste ce type de marches, et allons voir le panorama depuis là-haut qui est fort sympathique.

Il nous reste encore quelques heures avant que la nuit vienne donc on décide de se trouver un coin en bord de lac pour passer la soirée et surtout faire une baignade, histoire de baisser nos températures corporelles de quelques degrés, quitte à combattre les hordes de moustiques sur place.

La soirée se termine par une vidéo musicale envoyée à notre amie, Alice, qui fête ses 31 ans : un petit pincement au cœur, nous ne serons pas de la fête cette année mais pour sûre, on se rattrapera en 2025.

Demain sera officiellement notre dernier jour en Estonie. Il faut réapprendre à avoir les distances justes car en Norvège d’un point A à B y avait vite 2h alors qu’ici c’est moins de 45mn en général. Les joies des petits pays aussi. Le timing est au poil, le 31 Août, on passera la frontière pour entamer la Lettonie en Septembre, comme prévu dernièrement par Guillaume. « Oh capitaine, mon capitaine ! »

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