Île de Saaremaa

Les téléphones sonnent difficilement les 8h30 et on bouge nos corps qui demandent encore un peu de sommeil. 9H30 on est sur le pont du ferry qui nous fait traverser la mer Baltique pour rejoindre l’île de Saaremaa après 20 minutes sur les vagues avec une Lola qui sieste tranquille au soleil pendant que les copains préparent les choses à voir sur place.

On est arrivé, tout le monde descend, direction une balade repérée par Lou « the Ghost Rock ». Bon, on a bien vu le rocher sur le bord de la route et un panneau explicatif mais pas moyen de se garer et de savoir combien de kilomètres on va faire. Ça sent l’échec cette histoire. Je fais une petite photo du GhostRoch en espérant ne pas nous avoir apporter le mauvais œil sur le convoi car la légende dit que le rocher est un lieu au pouvoir maléfique qui a averti nos ancêtres des mauvaises intentions. Dans l’ancienne culture locale, le bien et le mal sont inextricablement liés l’un et l’autre et ne peuvent former qu’un tout, révélant la nature d’un phénomène. Les villageois ivres ont des ennuis près du Ghost Rock s’ils n’ont pas assez de bières et de vodka pour une offrande. Oups ! Je n’ai rien à offrir, on croisera juste les doigts. On s’obstine un peu en allant voir un autre point prévu sur le sentier : pas plus. Sam nous fait approximativement le calcul de la durée « c’est bien 3 ou 4 heures »

Bon, changement de programme, on se fait une journée « découverte des églises » en commençant par Muhu Katariina. Elle est malheureusement fermée mais nous prenons tout de même le temps d’en faire le tour et d’aller voir de plus près ce gros arbre centenaire tombé au sol que la municipalité laisse ici comme souvenir. On pousse la balade jusqu’à un parc où on prend quelques photos dans des énormes sabots sculptés en bois.

Allez hop ! Eglise numéro 2 : Pöide Maarja, datant du XIIIe siècle. L’édifice est quelque peu amoché et une grande fissure parcourt toute la façade. Cette fois-ci, nous pouvons entrer à l’intérieur. Ici, des fouilles et autres ateliers de restauration sont observables, même si l’ensemble donne un sentiment d’abandon : il y a des champignons verts d’humidité sur les murs et les peintures à la chaux rouge s’effacent petit à petit. Cette église est une rescapée, elle a perdu sa flèche lors d’un incendie provoqué par la foudre qui s’est abattue sur le sommet. Seul un visage peint au plafond a miraculeusement survécu aux flammes. Ici, la religion « classique » n’est pas véritablement ancrée dans les foyers, ils ont déjà tous leurs mythes et légendes qui leur permettent d’avoir des réponses aux grandes questions universelles, donc ce n’est pas étonnant d’apprendre que bon nombre de luthériens sont devenus orthodoxes en période soviétique espérant recevoir en échange des terres et des titres de propriétés.

On ne s’attarde pas trop trop et poursuivons notre chemin en allant voir la troisième église : Valjala Martini. C’est la plus ancienne église rurale médiévale estonienne, construite sur un ancien lieu de culte pré-chrétien, elle est très sobre. A l’intérieur, l’humidité a fait son travail de « champignonnage » mais les quelques vitraux colorés apportent une touche arc-en-ciel qui réchauffe le tout.

On enchaîne, on enchaîne, pas le temps de badiner ! Direction le cratère de Kaali. Mais avant ça, pique-nique sur l’herbe fraîche. Nos yeux commencent à fortement se fermer, surtout avec le ventre plein. « Je pense que tout le monde a bien besoin d’une sieste, non ?! » Un oui global et on se replie pour 20 minutes de récupération. A vouloir profiter autant, on oublie d’écouter son corps. 15H sonne et on se réveille regonflé à bloc, parés pour aller découvrir ce cratère, vieux de 7500 ans. Le cratère de Kaali est le plu grand et le plus connu des neuf cratères de la zone. Il mesure jusqu’à 110m de diamètre et 22m de profondeur depuis la crête. Le lac formé à l’intérieur par les précipitations peut avoir un profondeur de 1 à 6m et un diamètre de 40 à 60m selon les conditions de l’eau. Kaali a été parmi les premiers cratères dont l’origine météoritique a été prouvée. La météorite de fer géante, tombée à une vitesse approximative de 15km/s, devait mesurer entre 46 et 80 tonnes et son diamètre au moment de l’impact devait être de 3 à 6m. Très impressionnant de se dire qu’on est au cœur du crash et en même temps, c’est assez difficile de se rendre compte de l’ampleur de la déflagration qui a couché les arbres alentours sur plus de 8km. Le tour est assez vite fait et c’est tant mieux car Lola commence à rentrer la queue entre les pattes et ne veut plus nous suivre : elle sent que quelque chose se trame pour les prochaines heures.

Nos forces toujours au max, on roule une trentaine de minutes pour rejoindre le château de Kurssaare. Lola ne veut définitivement pas nous suivre donc elle reste bien tranquille au camion pendant que nous allons faire le tour. L’entrée est partiellement gratuite donc on fait tout ce qu’il est possible de faire sans débourser un centime. Notre attention est tout de suite attirée par des échasses en bois en libre service. Tout le monde y passe avec plus ou moins de réussite : Guillaume et Sam, le duo de choc, vont pouvoir monter une troupe de circassiens à ce rythme-là.

Nous continuons la visite en allant voir un moulin-à-vent reconstitué dans lequel nous pouvons entrer. On essaie de comprendre tous les rouages du fonctionnement « il nous en faudra un dans notre camping ! (Sam) » On passe dans les anciennes tours de guet, on suit les remparts et on essaie de comprendre encore une fois l’Histoire très dense de l’Estonie : indépendance en 1920 puis colonisation soviétique puis la Seconde Guerre Mondiale avec les nazis et la boucherie de l’Armée Rouge sur les résistants, puis à nouveau leur victoire de l’Indépendance en 1991. Le château fortifié a une forme d’étoile dont certains côtés ont été crées sous formes d’îles dans les gigantesques douves. On essaie de décrypter les plans « You are here. Non, là sur le point rouge ! » On rigole beaucoup, la fatigue aidant, nos cerveaux se relâchent.

Ça sera bon pour aujourd’hui. « Le stagiaire » (nouveau nom de l’application météo un peu foireuse depuis plusieurs jours) nous indique que la pluie arrive dans une heure, ce qui nous laisse largement le temps de se poser sur un joli coin en bord de mer juste à côté d’un phare. La pluie commence à tomber doucement, plus tôt que prévu. Les hommes décident donc d’installer une tonnelle sur notre haut-vent pour essayer de contrer le vent qui s’intensifie. Échec de la manœuvre, trop de vent. On essaie donc de positionner les camions en L pour faire paravent. La pluie redouble et c’est un déluge qui s’abat sur Guillaume, Lou et Sam, pendant que je reste bien au sec dans Robert, me délectant de leur détresse et accessoirement immortalisant l’instant. Échec du L. Ils sortent finalement la tente de camion à fixer sur la porte du camion des Trip2ouf. C’est juste l’enfer. Le vent, la pluie et les piquets qui ne veulent pas se planter dans le sol trop caillouteux. Échec numéro 3. Résignés, ils rangent tout le bazar en vrac sous les véhicules et on se fait une soirée au chaud dans leur camion.

Chacun se déshabille et fourre les vêtements totalement trempés dans un sac poubelle « on verra ça demain ! » Sam en profite pour sortir le savon, rejoins bien vite par Guillaume pour une douche collective en mode « nature ». Fou rire garanti.

Une fois tout le monde séché, c’est un repli stratégique dans leur camion pour manger houmous, pâtes bolognaises, accompagnés de jeux : Samsara et Lueur. Comme à notre habitude, on retrouvera notre lit à 2h du matin bien tassé.

Que d’aventure !

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