Kuterevo

On redescend un peu de notre nuage de ces deux derniers jours pour mettre par écrit cette expérience hors du temps que nous venons de vivre.

En ce jeudi pluvieux, nous décidons de prendre la route pour aller voir le Refuge Kuterevo : un refuge pour ours tenu par des volontaires.

Pour vendredi, la météo est orageuse et avec beaucoup de vent prévu donc on se dit que ce sera une journée off avant le Parc de Plitvice et ses 16 cascades.

Nous voilà donc garé sur le parking du refuge et nous sommes accueillis par un homme :

« Dober dan. Is it ok if we visit the parc with the dog ?

– You’re french ?

– Yes.

– Ha ! Encore des français ! »

Effectivement 3 autres couples de français sont déjà sur les lieux et souhaitent rester pour une durée indéterminée au refuge et donner un coup de main.

Why not. Nous avons notre vendredi de libre, on n’est pas pressé.

Nous faisons donc le tour des enclos dans lesquels sont gardé trois jeunes ours (soit récupéré suite à un accident de la route, soit d’un zoo malveillant, soit trop acclimaté aux humains donc potentiellement dangereux en liberté). Nous sommes face à ces 3 peluches qui nous fixent de leur regard très tendre. Lola renifle fortement le vent et ça fait de même de l’autre côté du grillage, c’est rigolo à observer.

Puis nous allons aux deux autres enclos plus haut où sont hébergés cinq ours adultes (le plus vieux a 46 ans sachant quand liberté ils ne vivent en général qu’une vingtaine d’années).

Quelle beauté. On sent leur puissance derrière le calme apparent. On en a jamais vu d’aussi près et nous les observons silencieusement.

A 18h, le « chief » arrive et nous nous présentons pour demander si on peut rester la nuit et rester demain matin si ils ont besoin d’aide pour quoique se soit.

Un homme de 72 ans qui gère un refuge d’ours depuis 20 ans et qui parle trois mots d’anglais, vous voyez le personnage : bourru, peu loquace, très directif… mais avec une petite boutade bien placée, il se déride.

Par une simple poignée de main, nous sommes donc acceptés et allons nourrir les ours avec Svenko, l’unique salarié de la structure. Une expérience unique : on jette des maïs à ces grosses pattounes de poil. On est comme des enfants : émerveillés !

Une autre femme croate, volontaire régulière, prend le relais et nous fait remplir des pots de miel qui seront en vente dans le magasin de souvenir du refuge (sachant que l’entrée est sur donation, non subventionnée… je me demande comment ils arrivent à joindre les deux bouts à la fin du mois, et même au milieu… la solidarité paysanne très probablement).

C’est une femme très ancrée dans la vie du village et elle nous invite à venir assister à une répétition de son groupe de chant / danse / musique traditionnelle croate. Ni une, ni deux, on la suit et nous y restons 1h30 : ça nous a fait pensé aux danses occitanes, en cercle ou en couple avec des boucles. Ils dansent, ils chantent tous et jouent d’instruments traditionnels. Nous sommes très reconnaissants de pouvoir être présent dans ce moment de vie « in situ ». Ils nous font même goûter à leur liqueur de prune faite-maison : ça réchauffe fort.

Ils sont vraiment très chaleureux, on se sourit sans se comprendre (car dans ce village de montagne très peu de gens parlent anglais). Tous les âges sont en ronde, même une petite mamie qu’il faut presque soutenir pour danser est là. On sent qu’il y a le lien de la famille qui est très présent encore dans cette culture rurale. Nous sommes touchés par ces gens qui nous offrent tout ça alors qu’ils n’ont pas énormément.

Nous les remercions chaleureusement et allons au seul petit restaurant du coin. Nous sommes accompagnée d’une française qui connaît bien le refuge et le village : « on va prendre un plat pour 4 et on mangera amplement à 6 dessus. » Et elle avait raison. Il nous en reste même pour un repas supplémentaire. La générosité incarnée.

Nous filons nous coucher en mettant notre réveil à 6h30 pour un rendez-vous au « boulot » à 7h30.

Svenko sera notre maître d’œuvre pour ce vendredi de volontariat. Nous partons, un autre français, Guillaume et moi, vers un lieu en cours d’aménagement : Belle-amie project (aucune idée de l’orthographe).

Nous montons à bord de sa voiture. « Le contrôle technique ne doit pas être obligatoire. » Il fonce dans les virages alors qu’une forte pluie tombe dehors, d’énormes flaques éclaboussent la voiture dans les nids de poule. 8Km ça peut être long quand on sert les fesses.

Arrivé à bon port, voici notre mission : organiser un tas plus ou moins cohérent de meubles, bouts de bois, dizaines de chaises, outils de labour… car leur projet est de monter un musée de la vie traditionnelle dans leur village avec l’exposition de vieux outils et tout plein d’autres trucs. C’est un travail de titan mais l’ambiance est chouette et on rigole bien.

Ivan, « the chief », passe faire l’expert des travaux finis et j’en profite pour rentrer avec lui et aller voir notre Lola qui patiente dans le camion depuis ce matin (vu qu’à 7h elle voulait pas bouger de sous son plaid, la pluie tombant fortement sur le camion).

Ici notre récit se partage en deux.

Voici celui d’Elodie :

Je monte donc à bord de la voiture d’Ivan (à l’arrière en mode taxi car devant c’est un bric-à-brac de tout et de rien). Le trajet est silencieux car il ne sait dire que quelques mots d’anglais et de mon côté que je ne sais que saluer et remercier en croate).

Il m’offre une fleur qu’il a cueilli tout à l’heure sans mot. C’est un ours avec un gros cœur. Je le trouve très attachant ce monsieur qui marche difficilement, se tenant le dos. Nous nous arrêtons chez le médecin, puis faisons des courses, puis récupérons de la nourriture pour les ours, puis papotons avec des locaux. Tout le monde connaît Ivan et Ivan connaît tout le monde. Il me présente à chaque fois « Elodio, franssouzo », bienveillant.

Une fois rentrés au refuge, je retrouve le reste des volontaires français qui préparent à manger (des pommes de terre, toujours des pommes de terre, la base!). C’est une belle après-midi qui file à une vitesse grand V dans ce cadre d’un autre temps. Je me lie d’amitié avec une autre Elodie (la femme du français resté avec Guillaume) et nous papotons de tout et de rien, faisons une petite balade avec sa fille Iris, de presque 3 ans. C’est une très belle rencontre de ce couple que nous allons très sûrement recroiser sur la route du côté de la Grèce.

Voici l’après-midi de Guillaume :

Je vois donc Élodie partir avec un grand sourire, sûrement contente de quitter ce chantier sans queue ni tête pour nous.

Midi arrive, nous pensions, Gwenael et moi, pouvoir bientôt rentrer avec le groupe et manger tous ensemble, mais il n’en est rien. Svenco nous a préparé un bon petit repas dans la cuisine de chantier donc nous nous installons avec lui. Petites patates au four, œufs brouillés avec des oignons et une sorte de bœuf bourguignon à la croate vraiment délicieux. Nous discutons un peu difficilement en anglais, il nous parle de sa vie d’avant, de refuge pour ours, des problèmes de la Croatie : nous passons un moment très agréable.

Je lui demande si on peut rentrer au village mais il me dit que lui il reste là jusqu’à 16h donc il va voir avec

Ivan, le chef, pour venir nous chercher. Il arrive donc quelques minutes plus tard, nous offre une barre de chocolat pour nous redonner des forces, nous donne encore des instructions : déplacer ces chaises dans l’autre maison, démonter ce meuble à coup de marteau etc… nous n’en voyons pas la fin. Une dernière remorque à charger et « Halleluia », il nous ramène retrouver nos compagnes.

C’était très étrange, pas mal fatigant mais satisfaisant de pouvoir aider ces gens en retour.

Une expérience hors du temps, inoubliable qui nous fait comprendre pourquoi on avait envie de voyager comme ça, pour faire aussi ces rencontres-là.

Une réponse à “Kuterevo”

  1. Avatar de Céline
    Céline

    Trop chouette !

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